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Les raisons pour lesquelles les entrepreneurs à impact devraient cibler les entreprises

Par Kieran Mahanty

Les acheteurs en entreprise représentent un marché important pour les produits et services durables.

Qui stimule l’adoption de produits et services durables? Nombreux sont ceux qui voient dans les consommateurs éclairés un catalyseur de changement. Puisque les consommateurs se préoccupent des impacts, les entreprises accordent la priorité à la durabilité au sein des conseils d’administration, et les autorités de réglementation exigent des changements là où ils n’ont pas été effectués. 

Je crois que c’est mettre la charrue avant les bœufs. Les consommateurs ont d’autres préoccupations et pourraient avoir du mal à faire le lien entre leurs petits gestes et l’ampleur des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Mais encore une fois, je suis frappé par la volonté des cadres supérieurs de l’industrie de changer les choses. 

La distinction est importante : si l’impulsion en faveur du changement est susceptible d’être modérée par les entreprises plutôt que d’être portée par les consommateurs, les investisseurs et les entrepreneurs doivent penser aux acheteurs en entreprise pour combler les écarts. Le service aux entreprises adopte une proposition de vente fondamentalement différente, qui requiert un engagement profond auprès des acheteurs et une approche collaborative pour la fabrication de produits; une notion que les entrepreneurs devraient envisager dès le départ.

« Si l'impulsion au changement est susceptible d'être pondérée par l'entreprise plutôt que par le consommateur, les investisseurs et les entrepreneurs doivent aborder l'espace en pensant aux acheteurs d'entreprise. »

Pourquoi la demande des consommateurs pourrait ne pas être suffisante

Il est clair que les consommateurs se soucient de l’incidence de leurs choix. Un sondage de Deloitte mené en 2022 sur les attitudes et les comportements des consommateurs à l’égard de la durabilité a révélé que 77 % des consommateurs ont déclaré avoir réduit leur utilisation de plastique à usage unique à l’épicerie, 40 % ont choisi des marques de nourriture, de vêtements et de chaussures écologiques et 30 % ont opté pour des modes de transport à faibles émissions. 

Cependant, un examen plus approfondi des tendances des catégories donne à penser que les aspirations vers la durabilité n’offrent qu’une image partielle du comportement des consommateurs. Au Royaume-Uni, l’utilisation des sacs de plastique a chuté de 97 %, mais uniquement lorsqu’une taxe de cinq pence a été ajoutée par sac pour encourager les pratiques de durabilité. Les protéines de remplacement représentent pour les consommateurs l’un des principaux moyens de réduire leur empreinte, mais ce type de produit fait du surplace : un impact clair et concret sur l’environnement arrive au deuxième rang après la parité en matière de prix (et peut-être de goût). Dans le secteur de l’habillement, l’essor de la « mode éphémère » et le gaspillage en matière de vêtements s’inscrivent dans les grandes tendances de notre époque. La transition vers les véhicules électriques augmente rapidement (ventes mondiales de +60 % en 2022), mais elle est contrée par la hausse continue des ventes de VUS. À tout le moins, il semble qu’il y ait des raisons de faire preuve de prudence si l’on compte sur le militantisme des consommateurs pour propulser une nouvelle génération d’entreprises vertes.

Les entreprises peuvent être le moteur du changement

Bien que je fasse preuve de prudence en ce qui concerne le poids de la demande des consommateurs, je suis optimiste quant à l’engagement à court terme des entreprises à adopter une approche durable. Les sociétés d’investissement comme le RREO accordent la priorité aux technologies climatiques et à la durabilité en ce qui concerne l’approvisionnement et la gestion de portefeuille, et 4 000 sociétés, qui englobent plus du tiers de la capitalisation boursière mondiale, fixent des cibles de réduction ambitieuses.

En tant que moteur qui produit les biens que nous consommons, qui exploite les usines qui les produisent et qui propulse les chaînes d’approvisionnement qui les transportent autour du globe, les entreprises de par le monde ont les moyens et la motivation nécessaires pour apporter le changement. 

Microsoft offre un excellent exemple d’entreprise qui établit des objectifs audacieux, en particulier la suppression de ses émissions passées et le déploiement d’un fonds d’innovation climatique de 1 G$ US. Par conséquent, l’entreprise a attiré des personnes de principe motivées par cette cause et elle a mis sur pied des équipes pour garantir que Microsoft aurait beaucoup de difficultés si elle devait dévier le moindrement de ses objectifs en matière de climat.

Au RREO, nous sommes depuis longtemps guidés par des principes d’investissement responsable qui sont profondément ancrés dans notre processus de placement. Nous avons établi des objectifs ambitieux en matière de changements climatiques, notamment la réduction de 67 % l’intensité des émissions de notre portefeuille d’ici 2030, la collaboration avec les sociétés de notre portefeuille pour établir des plans crédibles vers la carboneutralité, l’exercice de notre influence en occupant des sièges dans des conseils d’administration et un objectif de 50 milliards de dollars d’investissements verts.

Les entrepreneurs à impact doivent tenir compte de l’entreprise dans leurs activités

Si le changement doit être stimulé par l’entreprise, les entrepreneurs à impact doivent se concentrer sur les besoins de cette dernière en tant que marché cible. Vous trouverez ci-dessous cinq recommandations clés sur la façon d’y parvenir :

  1. Il ne suffit pas qu’un produit soit durable. Des secteurs de l’alimentation à ceux de la mode, les marchés mondiaux valant des milliards de dollars sont mûrs pour des transformations induites par des moteurs de changements à forte incidence. Mais pour réussir, il faut des produits exceptionnels, une mise en marché de qualité et la capacité de surmonter tous les obstacles auxquels sont confrontés les entrepreneurs dans d’autres segments. La durabilité n’égale pas l’adéquation produit/marché. 
  2. Les entreprises sont des clients enthousiastes. Le secteur du cybercommerce interentreprises pour les technologies climatiques est caractérisé par des acheteurs mobilisés, en plus d’une forte disposition à payer et l’absence d’options viables. C’est un marché plein de potentiel pour les entrepreneurs qui peuvent mettre au point des solutions convenant à leurs activités.
  3. Mobiliser rapidement les partenaires d’entreprise. Les critères d’achat et les obstacles à l’adoption peuvent être difficiles à évaluer depuis l’extérieur. La recherche de premiers partenaires mobilisés peut abréger le circuit vers un produit minimum viable, tout en faisant preuve de dynamisme auprès des investisseurs.
  4. Favoriser le prêt à utiliser. Il est difficile de restructurer l’ensemble d’un secteur de l’industrie et les consommateurs n’approuveront pas un produit de qualité inférieure (ou plus cher) pendant la transition. Il serait plus rapide et plus efficace de rechercher des technologies prêtes à utiliser pour aider les entreprises en place à atteindre leurs objectifs de durabilité.
  5. Mobiliser un écosystème plus étendu. Les fondateurs doivent solliciter des investisseurs, des membres de conseils d’administration et des conseillers qui possèdent une expérience de travail avec les organismes de réglementation, les ONG et les chefs de file du secteur. Ces intervenants peuvent se révéler d’excellents porte-parole et aider les entreprises à réussir à affronter la concurrence en matière d’impact.

 

Kieran Mahanty est directeur de Croissance audacieuse RREO, à Londres, où il investit dans les technologies de rupture dans tous les secteurs de l’économie, avec un intérêt marqué pour la durabilité, la biologie synthétique et le système agroalimentaire. Il était auparavant à l’emploi de Blue Horizon, Temasek et PwC, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie. Il est titulaire d’un baccalauréat en philosophie, politique et économie et d’une maîtrise en relations internationales de l’Université d’Oxford.