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Comment la normalisation du changement peut-elle aider les investisseurs à se préparer à l’inconnu?

Jonathan Hausman, premier directeur général, Stratégie de placement mondiale, évoque les principales tendances auxquelles sont confrontés les investisseurs (y compris l’intelligence artificielle, la géopolitique et le climat) et la façon de s’adapter à un marché qui évolue rapidement.

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Comment les investisseurs peuvent-ils être résilients face aux tendances des marchés? Quel rôle l’intelligence artificielle pourrait-elle jouer dans le processus de décision lié au placement? Comment les investisseurs peuvent-ils contribuer à la lutte contre le changement climatique? Dans un balado récent de FCLTGlobal sur l’investissement à long terme dans un monde en évolution, Jonathan Hausman, premier directeur général de la stratégie de placement mondiale du RREO, a discuté avec notre animatrice, Sarah Williamson, de la gestion de l’incertitude et de la normalisation du changement comme deux moyens pour les investisseurs de se préparer à un changement rapide et à des défis inconnus.

« En tant qu’investisseurs, nous devons mieux gérer l’incertitude, et cela nécessite de penser différemment. Il s’agit essentiellement de combiner une vision et de déployer des efforts de persuasion considérables, explique M. Hausman. Nous devons également normaliser du changement en nous y préparant. Il se produira des choses qui ne sont pas prévues, des choses que nous devons régler tout en nous concentrant sur nos objectifs finaux. Ce processus de normalisation est essentiel pour garder son sang-froid en tant qu’investisseur. »

Vous trouverez, ci-dessous, une version abrégée de l’entrevue entre M. Hausman et FCLTGlobal, dans laquelle il présente son point de vue sur les plus grandes tendances qui ont une incidence sur les stratégies de placement.

Le RREO a été un pionnier du modèle moderne de régime de retraite public. Quels facteurs ont favorisé sa réussite?

Ce modèle a vu le jour au Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l’Ontario en 1990. Le gouvernement de l’Ontario, l’un des deux répondants du RREO (l’autre est la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario), a décidé qu’il était préférable que les prestations de retraite soient investies et gérées par un organisme indépendant de ses répondants. Nos deux répondants ont également pris la décision de rassembler un conseil et une direction professionnels pour superviser le régime.

Les années 1990 ont également été marquées par une période de réelle innovation en gestion d’actifs, à laquelle nous avons participé. Nous avons regroupé nos responsabilités en matière de gestion de l’actif à l’interne, ce qui a bénéficié financièrement à nos membres, des enseignants actifs et retraités de l’Ontario, et avons adopté un modèle plus rationnel d’affectation du capital pour stimuler les rendements à long terme de nos membres et atteindre un objectif de rente déterminé.

Comment maintenir cette orientation à long terme, tout en s’adaptant aux tendances très importantes qui émergent continuellement?

Il est important de garder à l’esprit que nous servons un seul client, et que c’est une préoccupation constante pour nous. Notre objectif à long terme se fonde sur la réalisation de notre mandat et de notre promesse à l’égard de nos membres : une façon de penser à long terme pour atteindre un objectif à long terme.

L’une des choses que nous avons essayé de faire, c’est de réunir la capacité et les ressources nécessaires pour suivre les tendances à long terme. Nous voulons être en mesure de tirer parti de ces tendances. Il n’est pas possible de les anticiper complètement, mais on peut naviguer parmi celles-ci de façon à pouvoir obtenir un résultat alpha supérieur à celui d’une autre personne. Nous nous concentrons sur trois volets de cette stratégie : la préparation, l’action et l’innovation.

Se préparer signifie y mettre de la réflexion et de l’énergie (et du travail préliminaire) pour tenter de rendre une organisation résiliente face à l’imprévu. Pour ce faire, il faut réunir des gens qui travaillent peut-être en vase clos pour réfléchir aux répercussions de divers chocs potentiels et essayer d’acquérir cette force au sein de l’organisation.

L’action repose sur la conviction. À mon avis, il n’y a pas de formule de calcul pour les placements à notre époque. C’est l’expérience et la conscience que l’on n’a pas toutes les réponses qui permettent de réussir. C’est en travaillant avec des partenaires et des spécialistes externes ayant des connaissances spécialisées complémentaires et en renforçant les convictions au sein de l’organisation que l’on peut passer à l’action.

Et innover, c’est être ouvert à différentes façons de faire et renforcer nos aptitudes à saisir les occasions qui découlent du changement. C’est ce sur quoi nous travaillons, car nous reconnaissons que nous traversons une période d’investissement différente de nos jours.

Quelles tendances surveillez-vous actuellement?

L’une des tendances que nous suivons de près est l’intelligence artificielle (IA) et la façon avec laquelle elle peut perturber l’environnement d’affaires, ainsi que la manière dont elle peut améliorer notre approche en matière de placement. La dernière avancée de l’intelligence artificielle, l’IA générative, réduit les coûts de prédiction de façon importante, ce qui entraînera de grandes répercussions sur bon nombre d’entreprises variées. Par ailleurs, cet outil peut considérablement améliorer notre approche en matière de placement et de création de valeur en nous aidant à faire la distinction entre le « signal » et le « bruit ». Nous sommes d’avis que ceux qui se familiarisent avec ces outils seront mieux à même de naviguer sur le marché que ceux qui ne le font pas. Nous devons donc agir sans tarder, car cette technologie va rapidement devenir un enjeu de taille. Et il ne faut pas se laisser distancer.

Une autre tendance : le changement de paradigme géopolitique. Auparavant, nous vivions dans un environnement hypermondialisé. Les règles du jeu à l’échelle mondiale semblaient toutes aller dans le même sens : marchés ouverts, sociétés ouvertes, capitaux ouverts. Mais les fondements de ce système, notamment la garantie de sécurité solide des États-Unis et le multilatéralisme, s'estompent et le système mondial est de plus en plus fragmenté. La complexité s'en est trouvée considérablement accrue et il est donc difficile d’avoir des certitudes dans autant de régions du monde.

La réponse, c’est la priorité. Bien que nous investissions dans de nombreux pays, nous avons été en mesure de réduire le nombre de régions géographiques sur lesquelles nous nous concentrons et d’acquérir de véritables certitudes au sein de ces régions. Et nous avons des objectifs que nous tentons d’atteindre pour chacun de ces pays stratégiques. 

L’investissement dans le climat, en particulier dans la biodiversité, est une autre tendance importante. Comment votre stratégie en matière de climat a-t-elle été élaborée au cours des dernières années?

Nous croyons que l’augmentation des répercussions environnementales positives de nos activités joue un rôle crucial dans la protection de la valeur à long terme de nos placements. Nous devons être convaincus que nous pouvons changer les choses, avec les sociétés détenues et les actifs gérés. L’atténuation du changement climatique ne s’obtient pas par des mots, mais par l’action. En tant que responsables de programme actifs, nous croyons qu’il faut travailler avec les sociétés de notre portefeuille pour améliorer leur stratégie en matière de climat plutôt que de simplement se retirer. Pour nous, la solution consiste à interagir avec les sociétés détenues, peu importe leur taille, et à passer à l’action, qu’il s’agisse de travailler de pair avec la direction des entreprises privées que nous détenons, ou de voter par procuration avec les entreprises publiques que nous détenons.

Nous reconnaissons également que la lutte contre le changement climatique est un processus qui exige une discipline et des objectifs clairs. Nous nous sommes donc fixé des objectifs provisoires en matière de carboneutralité pour 2025 et 2030, avec des réductions d’émission de 45 % et 67 %, respectivement. Nous utilisons également nos leviers de placement pour lutter contre ces émissions qui vont bien au-delà de l’empreinte du portefeuille du RREO. Pour ce faire, nous avons affecté environ 5 G$ à des actifs de transition accélérée (ATA) pour intensifier la décarbonisation des entreprises à fortes émissions. Nous sommes d’avis que ces décisions d’affaires sont sensées et qu’elles entraîneront d’importantes répercussions.

En ce qui concerne la biodiversité, nous croyons qu’elle gagne en importance à l’échelle mondiale, tout comme les changements climatiques il y a une quinzaine d’années. Notre objectif est de considérer cet impératif comme un marché en pleine croissance qui peut avoir de réelles répercussions. Par exemple, nous avons investi dans GreenCollar qui collabore avec des propriétaires fonciers et des gestionnaires de toute l’Australie pour développer des projets dans des domaines comme l’agriculture régénérative et la gestion des terres pour favoriser le capital naturel qui se monétise ensuite en crédits carbone.

Écoutez le balado intégral (en anglais seulement)